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Comment j’ai raté ma fausse couche
L’amniocentèse n’est pas une intervention sans risque, on le savait on a même signé un papier qu’on n’a pas lu bien sûr.
Généralement on ne retient qu’une chose, il y a 1 risque sur 250 de faire une fausse couche, on se sent de suite tranquille, c’est rare donc ça ne peut pas être pour soi.
Je m’étais quand-même renseignée après l’examen sur les symptômes de la fausse couche que pouvait provoquer l’amniocentèse, une lecture en diagonale juste pour savoir sans vouloir savoir tout à fait, genre je me tiens au courant mais je m’en fous, je suis invulnérable.
Mais cette information même succincte a permis que quand dans la nuit en me levant pour la énième fois pour faire pipi j’ai senti le liquide couler sur mes jambes j’ai compris tout de suite.
« Allô Houston je crois qu’on a un problème »
« Il est où le bouton retour en arrière de la télécommande ? Je crois qu’il va falloir envoyer une navette de sauvetage, on a un fœtus voyageur à sauver »
« C’est trop tard Houston ? Il est déjà du côté obscur de la lune ? Je savais que je n’aurais pas dû appeler sa navette spatiale Apollo 13 ! On peut essayer d’appeler Albator le corsaire de l’espace il saura quoi faire »
Dans la réalité toujours moins romanesque je n’ai dit qu’une chose :
« Mezcal j’ai un problème, je viens de perdre du liquide amniotique, appelle un taxi il faut qu’on aille aux urgences »
Oui je sais ça fait plus qu’une chose, mais je l’ai dit très vite dans la même phrase.
Puis machinalement on s’habille, on ne cherche pas à penser, on prépare son sac, et on attend.
L’attente interminable évidemment ne favorise pas l’absence volontaire de réflexion sauf si on est un moine bouddhiste habitué à vider son esprit pour le remplir de vide, d’ailleurs je me suis toujours demandé si ce vide restait ensuite ne laissant plus de place pour l’intelligence ce qui expliquerait sans doute que ces moines passent leur vie recluse à ne rien faire, à ne pas surfer sur le net, à ne pas regarder des séries télé…
Je suis donc je pense et mes pensées sont, à ce moment là, autant obscures que la face cachée de la lune. Persuadée qu’il n’y a plus rien à faire vu la quantité de liquide écoulée je constate que je suis la malchanceuse, la 1 sur les 250.
Je ne comprends même pas pourquoi on me demande si ça coule toujours, vu qu’il ne peut plus rien y avoir à couler.
Même en cherchant, je ne trouve pas quelle solution pourrait sauver l’alien.
Du mastic à avaler qui colmate ?
On regonfle en soufflant dans le vagin ?
Opération ultra sophistiquée qui remplace la poche par une super poche en titane ?
Injection en permanence de produit pour qu’il y en ait toujours ?
Plus tard quand enfin on me fait l’échographie, je ne veux pas regarder mais c’est comme pour les films d’horreur où on plisse juste les yeux sans mettre la main devant. Et là on le voit et on entend…le cœur qui bat.
L’alien s’en fout, il fait des galipettes dans du liquide ! Oui du liquide, là je me dis que finalement le bouton retour en arrière existe ou que je vais me réveiller. Le liquide amniotique se reconstitue mais pas si vite !
« Houston, on a un signal, il y a encore de la vie ! »
« Ça baigne, ils ont encore de l’air pour quelques temps, ça nous laisse du temps pour trouver une solution »
Evidemment le diagnostic reste incertain, on en est qu’au début de l’aventure il faut tenir 6 mois encore avant de crier victoire.
Et pour tenir et se donner le plus de possibilités de réussites il faut un repos complet.
Je suis donc alitée et sans doute jusqu’à la fin. J’ai le droit à me lever uniquement pour faire pipi et pour me laver et aller au rendez-vous à l’hôpital, les repas se font au lit.
J’ai une dérogation pour monter les escaliers une fois par jour histoire de vivre le jour en bas dans le salon et de monter le soir me coucher dans ma chambre et avoir accès à la salle de bain le matin.
L’espoir est là :
- pas de nouvelle perte importante, je suinte mais je ne saurais dire si je suinte des trucs normaux de filles ou si c’est du liquide…même en testant la consistance et l’odeur je n’en sais rien. Par contre je me transforme en psychopathe du vagin, la main sur la moule en permanence pour tester. Je suinte donc mais je ne coule plus !
- Le grand Lulu est optimiste car à l’écho tout va bien, l’alien fait des galipettes (apparemment il aime bien ça car il en fait toute la journée au lieu de réviser le bac et d’écouter de la musique), le liquide est en quantité normale, une normale basse mais correcte.
Le décollement de la membrane ne se voit plus autant que ça, il pense que c’est en voie de résorption.
Mais les risques sont là aussi qui s’énumèrent :
- risque d’infection car si du liquide sort, de l’infection peut entrer.
- risque de perte à nouveau car ça peut céder n’importe quand maintenant.
- risque que le liquide ne soit plus suffisant ou que le développement prenne du retard et entraîne des malformations.
- risque d’accouchement prématuré.
Pessimiste moi ? Non du tout, je fais juste le vide dans mes pensées, je ne crie pas victoire, je sais que beaucoup de facteurs sont imbriqués pour que ça marche. J’essaye de me transformer en moine athée, de me rapprocher de la sagesse. Ça existe vous croyez ?
J’essaye de ne pas penser à l’issue mais de vivre jour par jour, heure par heure, minute par minute.
Et d’attendre que le fœtus voyageur passe du bon côté de la lune, c'est-à-dire atterrisse sur la terre ferme dans 6 mois si tout va bien.
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